Quand on est dans son logement, couché à plat dos dans son lit, les yeux mi-clos, on regarde le plafond.
Quand on est promoteur, debout dans son bureau, droit dans ses bottes pour petits orteils délicats, ce sont les plafonds qui vous regardent.
Mieux : ils vous observent, vous scrutent, vous incitent, vous guident ou vous contraignent.
Big Brother Plafond is watching you !
A tous ceux qui croyaient bêtement qu’un plafond est soutenu par les murs, j’oppose un démenti narquois, cinglant et néanmoins officiel. 🙂
En France, ce sont les plafonds qui font les murs !
Faits de briques. Et de broc…..
C’est ça qui est beau avec l’administration.
On croit qu’elle est là pour soutenir l’activité mais c’est le contraire.
Oui, mais quel contraire ?
C’est l’activité qui la soutient ? Ou c’est l’administration qui bride l’activité ?
C’est la parabole des plafonds.
Plus on en a, plus on se croit intelligents par chez nous.
Alors que plus on est bas de plafond, moins on est brillant ! 😉
Et essayez un peu de courir à quatre pattes !
Paradoxe, quand tu nous tiens…
La logique des plafonds
Le plafond est toujours au-dessus de nos têtes. Pour nous protéger ?
Oui, comme l’épée de Damoclès !
La politique du logement en France est plus faite de contraintes, de contradictions et de rigidités que d’incitations et de contrôle a posteriori.
Le point de départ est celui d’une administration centrale toute puissante (les politiques aboient et l’administration passe) qui poursuit, consciemment ou pas (j’ai un avis mais je ne veux pas créer de guerre de chapelles !), depuis des lustres le double objectif de rester au centre du jeu de manière incontournable et de gouverner la politique du logement.
Un peu comme si on demandait à un avocat fiscaliste conseil de simplifier toutes les règles du jeu fiscales, ce qui le rendrait rapidement inutile.
Et à un premier ministre de ne jamais se prendre pour un Président de la République…. 😉
Quand on est près des sommets plafonds, l’oxygène vient parfois à se raréfier….
Donc, notre chère administration a intérêt à une certaine logique d’usine à gaz pour faire semblant de jouer avec les manettes, les réglages, le contrôle et les vannes.
Ah, les vannes ? C’était donc ça, bande de blagueurs ! 🙂
La forêt des plafonds
La politique du logement en France n’est pas cohérente.
Au lieu d’avoir un objectif général on multiplie les sous-objectifs et on en fait des dogmes avec chacun son petit mode d’emploi.
Avec une règle nationale et une administration (perfusion ?) locale au plus près du terrain qui rajoute des délais et de la complexité au lieu de simplifier.
La programmation annuelle du logement social est ainsi opérationnelle dans certaines métropoles à partir du mois de Juillet, alors qu’on pourrait et devrait connaître les projets financés dès Février (c’était vrai à une époque).
Et qu’une philosophie différente basée sur des flux continus et pas sur des programmations annuelles pourrait s’affranchir d’effets de seuils ou de calendrier.
Bref, vivent les plafonds au pluriel, puisque chacun d’entre eux est là pour gérer son petit sous-objectif à lui de main de fer (j’aurais bien dit de main de maître, mais comme rien n’est maîtrisé ni efficient…) ce qui explique que certains mécanismes soient si sensibles à la rouille ! 😉
Une mini liste de dispositifs soumis à plafonds ? Bien sûr !
PTZ et PAS : barême harmonisé pour le prêt à taux zéro et le prêt à l’accession sociale
QPV /zones ANRU : accession sociale dans ou en bordure des quartiers sensibles (politique de la ville). TVA à taux réduit 5.5%.
PSLA : Prêt social location accession. TVA à taux réduit 5.5%.
PINEL / PLI : barème harmonisé pour le PLI (financement de logements intermédiaires, peu utilisé) et le dispositif fiscal Pinel de soutien à l’investissement locatif privé
PLUS : logement locatif social, cheval de bataille et pivot des barèmes du logement social (pris en compte pour les % de logement social lois SRU et ALUR)
PLAI : comme le PLUS mais en plus social avec des plafonds plus bas (PLAI = 60% du plafond de ressources du PLUS)
PLS : comme le PLUS mais en plus cher et plus « haut de gamme ». C’est le moins social des logements sociaux.
(Il en existe peut-être d’autres qu’on pourra ajouter en commentaires si vous en connaissez 🙂 ).
Et bien sûr pratiquement aucune harmonisation en ce qui concerne les territoires d’application de ces dispositifs.
Le logement social fonctionne encore pour partie avec des zones dites Ibis, I, II et III (différentes mais pas si éloignées du zonage A B C) tandis que les dispositifs les plus récents font appel à une segmentation plus fine basée sur la logique de tension des marchés de l’habitat (Abis, A, B1, B2 et C, du plus au moins tendu).
Dans cette dernière logique, les aides de l’état vont prioritairement aux zones tendues, car là où la démographie est molle et où des logements sont vacants en nombre, il est inutile de venir gaspiller des deniers publics.
Sans aucune surprise (ah ?), il y a pas mal de bizarreries dans le maquis des plafonds. Ainsi :
PLS : plafonds de loyers exprimés en zonage Abis, A, B1, B2, C mais plafonds de ressources des locataires en zones Paris et communes limitrophes / Reste de l’Ile de France / Reste de la France (donc Lyon = Triffouillis les Cactus par exemple… pas sympa pour les cactus ! 🙂 )
PLUS et PLAI : comme le PLS pour le zonage des plafonds de ressources mais zonage Ibis, I, II et III pour les loyers !
QPV /zones ANRU : plafonds de prix de vente en zonage Abis, A, B1, B2, C mais ressources comme pour le PLS.
PSLA : plafonds de prix et de loyer zonage en A, B1, B2, C (pas de Abis), mais seulement 2 zones pour les plafonds de ressources !
La question qui tue : mais qu’est-ce qui empêche d’harmoniser les territoires d’application ?
La réponse qui achève : mais rien !
Et c’est bien pour ça qu’on ne le fait pas, ce serait trop simple ! 🙂
Dans un pays capable d’inventer une administration comme la notre, en harmonie parfaite avec les Shadoks et les Gibis, les choses trop simples sont souvent suspectes.
De quoi péter un boulon….
Monstrueux, non ? Mais pourquoi enfanter de telles créatures, alors que simplifier n’est pas un gros mot, surtout quand c’est pertinent ?
Une première initiative simple et de bon sens ?
Il suffirait de décider d’appliquer le même système de zonage Abis, A, B1, B2 et C à tous les dispositifs pour au moins comprendre la logique territoriale sous-jacente !
S’il te plaît, Monsieur l’Etat, sois bon Prince et redessine moi un plafond…
Ou fais péter les boulons plafonds et montre moi les étoiles !
Bon, assez causé plafonds, retour sur le plancher des vaches pour tous.
Et bonne semaine ! 🙂