Oh, la question qui tue !
Demander à un promoteur immobilier ce qu’est le progrès ?
On n’obtiendra pas forcément la même réponse d’un débutant, de l’école frais émoulu, ou d’un vieux routier du métier, précautionneusement mis au frais et moulu (faut se ménager dans les métiers qui usent 😉 ).
30 ans et des illusions contre plus de 30 ans d’expérience et désillusions ?
La perspective historique (voire préhistorique ? 🙂 ) change forcément le regard ou l’analyse…
Bref, si le progrès, c’est l’évolution, qu’y a-t-il donc de changé dans le royaume du promoteur immobilier ?
C’est souvent intéressant de se retourner pour mesurer les écarts.
L’écart né de commande (la posture officielle, quoi ! 🙂 ), l’écart hisseur (celui qui vous tue en prétendant vous tirer vers le haut), l’écart touche (quand vous prenez un tir qui vous laisse sur le flanc).
Bref, les écarts sont si divers qu’il faut être expert pour bien les mesurer.
Et commencer par bien les voir.
Comme un CRO quand il écart quille les yeux ? 😉
Techno contre péquenaud ?
Les temps modernes sont plus technologiques, c’est vrai, plus techno, c’est sûr, mais plus logiques, ça, ça l’est beaucoup moins.
Le temps qui passe est d’abord un marqueur… du temps passé et à venir, et le chemin suivi par l’évolution. 🙂
Mais le progrès dans cette évolution ?
C’est quoi, et singulièrement celui du promoteur immobilier ?
La contrainte, source de progrès ?
Dans le métier de promoteur immobilier, ce qui a incontestablement progressé, c’est la qualité du produit : les réglementations techniques successives poussent en avant les curseurs. Parfois aveuglément.
La prochaine étape (après la future RE2020) devra être celle de la prise en compte plus globale de la conception de l’habitat sur la santé (et pas la simple juxtaposition de règles concurrentes mais pas forcément concourantes : thermique, acoustique, accessibilité, incendie…).
Avec un bémol de taille : se poser la question de l’accessibilité financière de ces nouveaux objets « logement du futur » pour les gens ordinaires.
Car un rêve inaccessible est d’abord un objet de frustration ou de dépossession, si ces logements idéaux devaient n’exister que dans le cadre de parcs résidentiels aux mains d’institutionnels ou de logiques de propriété démembrée, ce que semblent indiquer les dernières tendances du marché et les élargissements réglementaires les ayant suscitées (le retour significatif des institutionnels ou les stratégies d’OFS et BRS).
Le progrès, fils de la contrainte, ne pourra donc l’être que si celle-ci est vertueuse et donc calibrée pour !
Ce qui impose d’y réfléchir un tant soit peu et sans idées préconçues (le plus difficile ?). 🙂
C’était comment avant ?
— Dis Papi, c’était comment avant, pour les promoteurs ? La fin des 80’s, tu me racontes ?
— C’était super simple, ma petite ; quand tu avais trouvé un terrain, tu signais ta promesse de vente et tu allais au resto pour fêter les bénéfices. 🙂
— Hein ? Les bénéfices ? Mais tu fais quoi du parcours ? Des incertitudes ? Des difficultés ? Tu me rejoues « La laitière et le pot au lait » ou « c’était mieux avant » ???
— Mais non, je te promets, on poussait un énorme « ouf » de soulagement ; quand on avait signé la promesse, c’était gagné ! On connaissait pratiquement le montant de la marge !
— Non, mais, c’est toi le ouf, Papi ! On ne peut pas avoir gagné avant d’avoir débuté les hostilités !
— Mais il n’y avait pas d’hostilités !
— Hé ho, la mairie et les commissions d’avant-projet, alors ?
— Y en avait pas ; on allait voir le maire ou l’adjoint à l’urbanisme avec l’archi et une esquisse et on se topait les paluches et hop, on préparait le permis !
— Hein ??? Et la consultation des riverains ?
— Qui ça ? La bonne blague, on respectait le POS, le plan d’occupation des sols qui avait été validé réglementairement, et point barre.
— Et les recours de tiers, quand même ?
— Mais il n’y en avait quasiment jamais ; ce n’était pas à la mode et les gens respectaient la règle ; pas d’avocats à la commission sur le montant des protocoles de désistement, pas d’associations téléguidées, rien ! 🙂
— Et le logement social, il fallait quand même trouver l’acheteur et négocier le prix de cession ?
— Bien sûr que non, pas de contrainte de mixité sociale à l’époque ! Chacun courait dans son couloir ! Deux mondes parallèles qui s’ignoraient !
— Et la banque ? Si tu n’avais pas pré-vendu aux HLM, tu devais avoir du mal à avoir ta pré-commercialisation ?
— Tu rigoles ? La banque, c’était le bonheur ! 30 % de précom, 5 % de fonds propres, bien avant les accords de Bâle et tout ça…
— Et les lois fiscales, tu vendais plus difficilement, non ?
— Petite plaisantine ! Le milieu des années 80, c’est le début des lois de défiscalisation en faveur du logement et des réseaux de vente spécialisés : le Méhaignerie, le Quilès, le début de la longue lignée Darwinienne qui conduit au Pinel d’aujourd’hui, ma poulette !
— Ben, pourquoi, vous avez changé les règles, si c’était si bien ???
— C’est le progrès ! Enfin, il paraît. Maintenant, les porteurs de projet doivent servir des objectifs multiples, parfois antagonistes ou qui ne devraient pas les concerner. Et je te rassure, ce ne sont pas les promoteurs qui ont spontanément demandé des contraintes supplémentaires.
— Tu me rassures, Papi, j’aurais pu croire que tu étais déjà ramolli, sinon… 😉
— Pas CRO, ça va encore ; mais comprends bien que, maintenant, il faut donner des gages à tout le monde : aux maires qui te demandent de faire moins que ce qui est permis, qui te demandent plus d’argent avec des taxes majorées ou qui te refusent les permis comme en ce moment, aux riverains à qui on demande leur bénédiction pour ne pas gêner les maires dans leur quête de réélection, au logement social à qui on doit vendre à des prix plafonnés et en perdant de l’argent une part croissante de nos programmes, ce qui pousse à faire payer plus cher les acquéreurs dits libres, etc…
— Et vous ne dites rien ?
— Tu sais, ma pépette, il y a beaucoup de promoteurs dont l’ADN a changé et qui aiment être tenus en laisse ; la liberté leur fait peur et on a amélioré le goût des croquettes ! Du coup, le respect des conventions et du pouvoir supposé des décideurs l’emporte souvent sur les convictions, pour ceux qui en ont encore bien sûr !
— Dis, Papi, tu ne serais pas un peu nostalgique ?
— Mais non, c’est juste que l’instant présent n’est pas satisfaisant et qu’il faudrait faire sauter toutes les incongruités du système logement pour retrouver une autre forme de liberté, éventuellement complexe et 4.0 si tu veux, mais essentielle : celle de la cohérence, ma chérie !
— Bon, Papi, et si on enlevait notre casque de réalité virtuelle ?
— Tu as raison, ça nous fait dire des couillonnades, cette techno ! 😉
Et aujourd’hui, c’est comment ?
Aujourd’hui, c’est compliqué et incohérent.
Il n’y a aucun contenu, aucun cap, aucune politique du logement digne de ce nom.
Juste un empilement de contraintes et de règles qui se voient modifiées à la petite semaine, au fil du temps.
Avec un sens de l’anticipation totalement nul et une propension à nier l’évidence jusqu’au moment où on se fracasse le museau sur le mur de résultats statistiques lamentables.
Un temps où dogmatisme et idées reçues forment la règle, qui ne prouve pourtant que son inefficacité.
Bref, c’est jusqu’ici l’évolution mais pas vraiment le progrès.
Pour attraper les étoiles, il nous faudrait une personne providentielle, compatible avec la techno, mais suffisamment joueuse pour modifier les règles… du jeu ? 😉
Une sorte de petit bonhomme sympathique et efficace comme en a tellement connu la lignée des CROs de la branche Vidéo : MariCRO !
Parce que, sérieusement, si on continue en mode bricolage perpétuel, on n’est pas près d’atteindre le niveau suivant de la plate-forme…
Ni de gagner la partie !
Et on dit quoi ?
Allez Mario ! Et Super Mario aussi ! (ne soyons pas pingres…) 🙂
Que chacun fasse chauffer les manettes ! Le futur reste à piloter.
Et pour le présent ?
Une très bonne semaine à tous, bien sûr ! 🙂
Le papi pourrait même ajouter qu à l époque 1975 1980 les promoteurs sérieux type saci promogim se contentaient d une marge de 5 pour cent sur un programme immobilier outre certains frais internes qui étaient intégrés dans le prix de vente. Au jour dhuis les marges sont plutôt de 20 pour cent voire plus… Cela change beaucoup de choses. En outre on est passé de l immobilier à un produit alors que c est un bien, un besoin essentiel, et qu il est la pour durer pour s intégrer dans un urbanisme un quartier une ville où un lieu. Aujourd hui c est un produit fait pour rapporter 20 pour cent point barre on se contrefous de l environnement et des dégâts causes… Voilà aussi ce qui a changé dans la promotion immobilière.
@ Pat : les différences de contextes sont importantes. Quand j’ai commencé dans l’immobilier (en 1986), toutes les promesses de vente se transformaient en permis (ou quasiment), tous les permis en lancements de programmes et tous les lancements en marge à l’arrivée (hormis les périodes de crise économique aigüe). Et les marges étaient de 6 à 10 % en général (plus honoraires de gestion pour payer les équipes de développement, et parfois honoraires de commercialisation quand celle-ci était effectuée par du personnel interne au promoteur). Aujourd’hui, il faut sortir 3 à 5 fois plus de foncier pour un même nombre de m² livrés : l’effet du malthusianisme des décideurs locaux, + les recours des tiers. Et ceci a un impact direct sur les coûts de développement des projets « survivants » qui embarquent les frais perdus de tous les autres. Avec, de surcroît, la charge financière générée par la perte sur les VEFA HLM (quota de 35 % sur ma métropole régionale, vendues le plus souvent en dessous du prix de revient réel). Ce qui fait qu’aujourd’hui (et je ne partage donc pas ce volet de votre analyse) la marge à la sortie du programme est du même ordre (en pourcentage) qu’il y a 30 ans. Avec des prix unitaires certes plus élevés et des honoraires de commercialisation (souvent externes) plus élevés aussi, et souvent trop. Parce que sinon, du 20% de marge, on n’ose même pas en rêver, et pourtant rêver un peu ne ferait pas de mal ! 🙂