Beaucoup de clients se demandent comment a été choisi le nom du programme dans lequel ils envisagent d’acheter. Ce mystère de la naissance, car le choix du nom est la naissance médiatique du programme, porte en lui une part de rêve et une notion affective évidente.
Pourtant, cette valeur poétique, immatérielle, subjective et quasi subliminale du nom de baptême n’est que rarement prise en compte pour ce qu’elle est.
Essentielle, car elle est supposée porter les valeurs qui ont conduit à la création du projet. Ce projet qui, devenu réalité, sera la vie et l’adresse au quotidien des humains qui l’habiteront.
Pour lui donner une âme ou porter celle qui a été imaginée ?
Le pouvoir évocateur magique d’un nom de programme immobilier…. un peu comme l’effluve d’un parfum discret mais entêtant. C’est ça que recherchent tous les responsables commerciaux de l’immobilier neuf !
La seule difficulté finalement c’est de viser juste, en accordant marketing, humanité et valeurs du projet.
Et pourtant, dire que ça se passe parfois autrement. Ca fait peur… mais je vous laisse découvrir à votre tour l’objet de mon effroi. 🙂
Réunion commerciale au sommet chez un promoteur
– (le patron de l’immobilier résidentiel de la boîte) Bon, merci à tous de votre participation à notre séance de brain storming. Le but est de décider du nom commercial de notre nouveau programme immobilier parisien. Ok ?
– (tous) : oui, oui, ok, d’accord
-Pour faire simple, je vais vous proposer les noms de baptême envisagés par notre agence de com et on verra ensemble s’il y en a un qui remporte tous les suffrages. Des questions ?
– (le directeur de programme) Heu…. et si aucun ne convient ? Parce que la dernière fois….
– Quoi la dernière fois ?
– (le directeur de programme) Ben, « La résidence de campagne », ça faisait un peu genre bourrée auvergnate, si je peux me permettre.
– Non, non, ce coup-ci ils ont mis le paquet. Allez, on y va ! Je commence. « Les Jardins du XIV ème », « Le Parc Ma Souris Verte », …
– (le directeur de programme) Attends, qu’est ce que tu nous racontes : » Ma souris verte » ?
– C’est ça, leur argumentaire c’est que pour un programme avec vue directe sur le Parc Montsouris et situé rue Gazan, il faut faire appel à l’imaginaire collectif pour relier le gazon et la petite souris verte des comptines pour enfants. Et l’étude de marché nous indique que la probabilité d’avoir des femmes comme clientes sur ce site est plus importante. En plus, il vaut mieux dire « Ma souris » que « Mon souris », c’est plus français, non ?
– (le directeur de programme) Hou… ils vont le chercher loin, celui-là. T’es sûr qu’elle est pas un peu séchée et aromatisée l’herbe du Parc ? Ils ont du en fumer un max !
– Bon, ne soyons pas mesquins d’emblée. Je continue. « Le Clos Montsouris », « 12, rue Gazan »…
– (le directeur de programme) Non mais, arrête ; ils n’en ont pas marre de nous servir des trucs éculés avec les jardins, les parcs, les résidences, les clos, et maintenant les adresses postales ? Est-ce qu’on pourrait pour une fois sortir des modes ou de la facilité ?
– Ah oui, tu as raison, ils ont aussi prévu un volet plus classique : « Les bains d’Aphrodite »,…
– (le directeur de programme, narquois) : super, à cause des baignoires ?
– « Diane chasseresse »…
– ((le directeur de programme, très narquois) : elle va chasser les souris du Parc ? Après elle pourra les noyer dans le bain d’Aphrodite ! Ouarf ! C’est quoi, ces tocards ?
– (l’assistante commerciale) : c’est vrai quoi, moi j’aurais plutôt vu « Ouate else », en référence à George Clooney et au joli cocon qu’on fabrique. Pour des femmes, c’est le must… Le confort et Geoooorge….
– Stop, on n’est pas des midinettes ici, zut. On est quand même une marque, la marque de référence, ZE Brand ! Quand on s’appelle Zemostbioutifoulhome faut être sérieux !
– (l’assistante commerciale) : mais je suis sérieuse, moi, si on veut vendre à des femmes, Mister Geooorrrge c’est quand même mieux qu’une souris, non ? En plus les souris ça fait peur aux femmes…
– Ohhhh………………. J’ai un petit peu de fatigue nerveuse là… Un mélange de lassitude, d’incompréhension et de découragement. On pourrait pas trouver un truc un peu nouveau et fédérateur ? Allez, quoi, faites un effort !
– (le directeur de programme) Vu que le programme va être cher, il nous faut un nom cossu, mais classe, pas trop ostentatoire
– (l’assistante commerciale) Pour des femmes, j’aurais bien aimé qu’on soit assez légers et suggestifs
– (le directeur commercial, qui arrête de tapoter sur son smartphone) Quand même, si on ne se sert pas de Montsouris, on est des truffes, c’est un sacré plus !
– Le tout, c’est d’arriver à combiner toutes vos approches et avec un zeste de poésie en plus. Voyons…. « Les gazelles de Montsouris » ?
– (le directeur de programme) Ca fait un peu chasse à courre ou savane, non ?
– (l’assistante commerciale) Les nymphes du Parc Montsouris ? On retrouve Montsouris, et les nymphes c’est pour que nos clientes se reconnaissent dans le projet.
– Ouais, et en plus il est midi trente, assez ergoté, va pour « Les nymphes du Parc Montsouris ». On leur fera un hall d’entrée amélioré genre atrium, avec petite fontaine et statue de nymphe en résine de synthèse blanche, avec une jolie transparence en vue directe sur le parc.
Vendu !!! Allez, on va casser la croûte !
Petit debriefing entre nous
Debriefing ? On est un peu obligés après le brain storming, non ? 🙂
Et comme on est entre nous (personne ne lit par dessus votre épaule ?), on peut se faire des confidences.
Alors oui, j’avoue. Honte à moi. Je suis coupable d’avoir tout mélangé dans cette réunion fictive.
Les ficelles de la facilité, les autoroutes de la désinformation, le snobisme de certaines approches et l’apparente désinvolture dont fait l’objet cette séquence pourtant lourde de sens de la vie d’un programme immobilier.
Alors d’accord, j’avoue. Mais je ne regrette rien ! 😉
(et même pas de me prendre pour le Saint Ex de la Préhistoire, avec ce CRO qui vaut bien le Petit Prince, non ?)
D’autant qu’au-delà de la légèreté du ton, je pense sincèrement qu’un programme immobilier mérite mieux qu’un nom à la va vite de circonstance ou issu d’une petite cuisine redondante.
Si l’on prétend que chaque programme immobilier est un prototype, que chaque décision de lancement est une aventure, comment refuser de faire du sur-mesure ?
Pour le projet et pour son nom, qui doit refléter au mieux le concept et être le premier étendard de ses valeurs.
Un petit ressenti personnel sur un nom de programme, une anecdote, une tranche de vie ? Tapez dans les commentaires !
De mémoire j’ai vu passer l’intégralité des prénoms des nouveaux nés de « mon » groupe. Une tradition sympathique qui au cours des comités nous permettait de formuler notre attachement aux équipes…et de suivre l’actualité des primo accédants. Les demeures d’Olivia (en Provence), le clos d’Arthur (plus Francilien)…avec quelques dérivatifs ; le jardin des triplés (avec le prénom par tranche).
Par la suite je suis tombé sur une spécialiste de la musique et nous avons bâtis la Symphonie, les Mélodies et autres joyeusetés (à l’exception du pipo et de la grosse caisse…nous avons égrener un orchestre au fil du temps). Une affaire de goût plus que de marketing.
Toute une logique d’animation des équipes en interne ! Au moins, l’axe du choix était clair 🙂
Chez nous c’est les fleurs, les arbres, les arbustes, les plantes, en français ou en latin… J’en peux plus ! De toute façon je serai bientôt à court !
Alexandra, chez vous, c’est une société, une région (plutôt une société) ? Engagez une révolution culturelle ! (faites leur lire l’article pour recaler les neurones 😉 )
Et il vous reste la traduction en anglais…. Je mettrai un cierge pour qu’on abrège vos souffrances !
Chercheur sur la production des toponymes, et les noms de programmes en sont lorsqu’ils restent ensuite dans le paysage et dans l’adressage, voire dans les bvase de données de cartographie en ligne, j’ai quelques questions. Les voici merci d’y réondre à partir de votre expérience et de votre expertise.
Les agences de com évoquées dans le texte qui font les propositions à l’amont, qui sont elles?
Et comment sont leurs séances de brain storming sans promoteurs ?
Le recours à l’anglais est-il encadré juridiquement ?
Est ce que ce recours est une tentation ?
Quelles sont les tendances émergentes, j’ai l’impression qu’on est beaucoup maintenant dans la qualité de vie et l’épanouissement plutôt que le luxe: green, terrasse, zen et harmonie, plutôt que clos, château, domaine, privilège…
Par avance merci…
@ Fredgeo : les noms de programmes c’est un peu comme les prénoms, il y a des modes. Les terminaisons en a par exemple, qui sont supposées être plus douces et coocooning je suppose ?
Et chaque promoteur a ses préférences : certains font des séries à partir de « Villa xxxxx », d’autres marient un début d’adresse et un lieu « Le 226 » ou « Le 226 Champs-Elysées », d’autres s’intéressent à la couleur locale avec une adresse, un lieu-dit, un site ou monument renommé… Bref, je ne sais pas -quantitativement – quelle est la tendance certaine. La diversité est importante, ce qui ne veut pas dire toujours pertinente ! 😉