Les tenues vestimentaires n’ont aucun secret pour les promoteurs immobiliers.
Entre les costards qu’ils enfilent au quotidien, les chapeaux qu’on leur fait porter et les vestes qu’ils se prennent régulièrement pour leur approvisionnement foncier ou l’obtention des permis de construire.
Sans compter le pantalon ? 😉
Donc, le port du gilet, fût-il jaune, paraît tout indiqué à cette corporation martyrisée par le racket fiscal à coût de millions d’euros et de % éhontés.
Quand certains prennent la rue pour quelques centimes par litre, il devient spontanément plus légitime de se plaindre pour extorsion de fonds en bande organisée, non ?
Promoteurs ? Tous victimes. 🙂
C’est marrant cette histoire.
« Promoteurs profiteurs » ou « promoteurs voleurs » étaient des slogans qui fleuraient bon la rime facile, il y a quelques années encore.
Mais la modernité les transforme en victimes.
Avec des revendications de circonstance ! 🙂
Quand un gros promoteur parle de goinfrerie.
Il y a quelques jours, le patron de Nexity, Alain Dinin, intervenait sur un média en disant que l’état se goinfrait sur le logement…
Vous imaginez un peu ? Quand un très gros acteur, promoteur de surcroit, parle de goinfrerie, il s’y connaît forcément !
Alors, s’il le dit, c’est qu’il le sait ! On grossit rarement sans raison ! 🙂
Le pire, c’est qu’en plus, il a raison sur ce thème ; et ce qui est dit dans l’article sur les prélèvements de toute nature sur le dos du logement est encore en dessous de la vérité.
Car à toutes ces données macro économiques, il faut aussi rajouter le matraquage de bout de chaîne.
Dans la vie des flux financiers d’un programme immobilier, le chiffre d’affaires demandé aux acquéreurs sert à payer tout un tas de taxes (on en avait parlé ici en 2014) au bas mot 20 à 25 %, le poids de la fiscalité s’alourdissant notamment depuis peu de dérapages liés à la sur-fiscalité banalisée des autorisations de construire (Taxe d’aménagement majorée ou conventions de Projets Urbains Partenariaux).
Bref, la logique de vache à lait du système (qui doit aussi absorber les surcoûts du déséquilibre financier des obligatoires ventes à perte de logements sociaux) n’est pas pour rien dans le niveau atteint par les prix de vente. 🙁
La machinerie d’un programme immobilier intègre bien sûr ces données et l’ensemble des charges et éléments constitutifs du prix de revient pour viser à dégager un bénéfice conforme aux attentes du prévisionnel et des financeurs du programme (banque, associés, crowdfunding éventuel…).
Mais que devient-il, ce bénéfice ? 🙂
Bénéficier d’un allègement fiscal ? Facile !
J’ai entendu dire par radio rumeur « plus bête que moi tu meurs », que les promoteurs se demandaient s’ils ne devaient pas eux aussi descendre dans la rue ! 🙂
Si, si… D’ailleurs, j’ai enregistré ce dialogue, à certains égards tellement pertinent que je ne peux pas m’empêcher de vous en faire profiter !
C’est tellement utile d’être bien informé… 😉
Promoteur énervé : T’as vu les gilets jaunes, ils se posent pas de questions, eux !
Pour quelques centimes par litre, ils bloquent la circulation et tout le pays !
Promoteur blasé : Ben ouais, ça s’appelle un mouvement social spontané.
P E : Mais, et nous alors ?
P B : Quoi nous ? Tu crois qu’on peut se plaindre, et que les gens vont avoir de la compassion pour la profession ??? Tu veux faire pleurer dans les chaumières sur le triste sort des promoteurs ? T’es ouf ou quoi ?
P E : Ecoute, nous on se fait racketter comme des malades sur tous les programmes immobiliers et en plus quand on veut se faire un peu d’argent de poche avec les dividendes, on en reprend plein le museau. T’as calculé le truc ?
P B : Heu, non. C’est quoi ce délire ? Ton signe zodiacal, c’est barjo ascendant prolo ?
P E : M’enfin non, mais on est tous dans le même bateau. On rame. Tous gilets jaunes. Faut converger !
En plus, j’ai testé notre popularité au dernier rond-point, elle est au top !
P B : Hein, mais t’as la cafetière en surpression, là !
P E : Mais pas du tout ! Quand j’ai garé la Bentley sur le bord de la route et que je les ai harangués « Camarades, l’état nous étrangle, je perds dix fois plus que vous avec ma grosse voiture et ses 40 litres aux 100 kms ! », ils se sont mis à scander « Promoteurs avec nous, le pouvoir est dans la boue », et en l’espace d’un instant je me suis cru en réunion de chantier avant la réalisation des VRD !
P B : Ben mince, alors, t’as réalisé la convergence des luttes de classe à toi tout seul ?
P E : On peut le dire comme ça, en toute modestie. Vaut mieux jouer groupé avec les gilets jaunes. Au début, j’ai bien pensé à aller faire ma manif tout seul, ou à bloquer l’entrée du Fouquets, mais ça manque d’impact médiatique.
P B : Mais non, y a aussi ta femme, tes enfants, tes maîtresses, tes employés !
P E : Ouais, mais même en y ajoutant tes proches et ceux de toute la profession, ça va faire court. Une manif de 50 m sur les Champs-Elysées, ça confine au ridicule.
P B : C’est vrai qu’on serait moins nombreux que les black blocs.
P E : Et on court moins vite aussi…
P B : Et pour les revendications ? C’est quoi la plate-forme ?
P E : Ben, les dividendes ! Nous aussi, ras le bol les taxes !
Quand tu fais du bénef sur un programme immobilier, tu le fais remonter dans ta holding, et paf 30 % d’impôt sur les sociétés, et après tu veux te verser perso un petit dividende familial pour aller aux Bahamas, paf encore 30 % de flat taxe sur ce qu’il reste. Zut, quoi !
P B : C’est vrai qu’avec du 100 – 30, reste 70 à qui on enlève 30 % encore, soit 21, il te reste 49 ; soit moins de la moitié du bénéfice du programme. Un vrai hold-up en bande organisée !
P E : Ben voilà ! Tu vois bien ! Alors, vu qu’il me reste à peine assez pour payer le carburant de la Bentley…
P B : Tu t’arrêtes au rond-point avec les gilets jaunes !
P E : T’as tout compris ! C’est la convergence ; j’en ai vraiment marre de me faire alléger fiscalement.
P B : Heu, t’es conscient qu’avec la flat tax, c’est moins douloureux qu’avant ?
P E : Oui, mais c’est toujours trop ! Et ma Bentley suce de plus en plus… Faut agir !
Voilà, c’est le dialogue que j’ai entendu tout récemment. Enfin, il me semble.
Ca va très vite devenir insoutenable pour le gouvernement. 😉
Si même les promoteurs se mettent en mouvement et manifestent, avec l’appui des tracto-pelles, des bulldozers, des grues mobiles, des camions toupie, des chenillettes… ça va être le chantier !
De quoi devenir Dingo. Ou DingCRO, plutôt ? 😉
Ras le gilet ou ras la casquette ?
Au-delà de la galéjade conjoncturelle, le sentiment partagé par une bonne partie des professionnels est que ce monde de la construction et du logement est de moins en moins logique et de plus en plus arbitraire.
Ce que ne diront jamais les organisations professionnelles diverses et variées de peur de déplaire au maître du jeu ; l’idée fort peu démocratique sous-jacente étant qu’on ne mord pas la main qui vous nourrit.
Logique mortifère à moyen terme car on laisse s’enkyster des pratiques d’une autre époque.
La royauté ayant été abolie depuis plus de deux siècles, la prolifération de roitelets sous couvert de décentralisation ne fait que rajouter de l’incohérence à l’arbitraire.
Absence de vision d’une politique élargie du logement, mesures davantage guidées par le diktat de Bercy en contrepoint, lois de circonstance n’ayant de chance d’aboutir que si elles ne coûtent rien, pouvoirs sans contrepouvoirs abandonnés à l’échelon local et à l’air du temps quand la nécessité d’une réélection fait davantage loi que le besoin de loger ses concitoyens, pied de nez à l’écologie avec une dé-densification rampante tournant le dos à un intérêt général objectif, hausse des taxes liées à la construction… et la liste est encore bien plus longue.
De quoi rendre Dingo plus d’un promoteur ! 🙂
Va falloir penser à abandonner la Bentley pour passer à la Zoé !
Bah, tant qu’il y a un gilet jaune dans la boîte à gants… 😉
Et vos commentaires, ils sont où ? Dans la boîte à gants aussi ? 😉
Bonne semaine à tous !