Une stratégie logement sans politique ?

Actualités de l'immobilier 4 commentaires

Il n’y a pas si longtemps, on parlait encore de « Politique du logement ».

Politique avec un grand P. Qui n’était que du vent, forcément… 😉

Vu qu’on n’a rien vu depuis longtemps ! (en tant que Politique Logement digne de ce nom).

Remarquez, avec un petit p, cela n’aurait été qu’un courant d’air. 🙂

Oui, mais chaud et ascendant peut-être ? Ce qui n’aurait pas été si mal !

Bref, le P n’est plus en odeur…de sainteté.

La preuve ?

Le titre du dossier de presse émis le 20 Septembre par le gouvernement titre volontiers sur sa Stratégie Logement.

 

Dans mon esprit fort embrumé de CRO magnon – multimillénariste, il est vrai 🙂  – la stratégie est un levier au service d’une vision, d’un objectif, d’une politique.

Elle est finalement  la manière d’atteindre cet objectif au moyen d’une visée nécessairement ambitieuse et cohérente s’inscrivant dans un temps d’expression long.

Alors que la tactique, ma brave dame, c’est d’abord le court terme plébiscité, la pratique du billard à 4 bandes portée au pinacle.

Avec un peu de chance, un fin tacticien qui s’inscrirait dans le cadre d’une stratégie visant à mettre en œuvre une politique juste et efficace pourrait rencontrer notre admiration, ou mieux même, notre affection. 🙂

Car on aime tellement les rêveurs ! 😉
Et les onomatopées !

Youpi !

Parmi les motifs de satisfaction, le maintien dans les zones les plus tendues de l’essentiel des outils antérieurs (PTZ, Pinel) ; la machine n’est donc heureusement pas cassée, mais il faudra tout de même trouver des modalités de sortie en douceur pour les zones éjectées (B2, C) des territoires sacralisés (A, Abis, B1).

Quelques points durs sont également en passe d’être traités :

  • l’accès facilité et accéléré au foncier avec une fiscalité inversée sur les plus-values
  • les recours trop nombreux et souvent abusifs sur les permis de construire
  • une pause normative des règles de construction (j’attends de voir, étant donné les déceptions antérieures sur le même thème…)

Dommage cependant d’avoir oublié d’aller au bout de cette logique !

Car quand ceux qui délivrent les permis de construire sont les mêmes qui prescrivent des PLU (ou PLU intercommunautaires) plus restrictifs que les précédents pour contourner la disparition du COS et la volonté de densifier affichée au plan national (fleurissent ainsi des diminutions de coefficient d’emprise au sol, des % d’espaces verts en augmentation, des stationnements plus contraignants), comment espérer que la construction suive ?

Entre les commissions d’étude (illégales mais connues de tous) préalables au dépôt du permis, la demande pressante… et très fréquente de faire moins que ce qui est inscrit dans le PLU, voire l’usage banalisé du sursis à statuer pour geler des projets jugés indésirables, que devient aussi le droit républicain d’obtenir des droits de construire pourtant conformes aux documents officiels ?

Et que devient enfin la transcription au plan local des orientations nationales ?

Donc, la levée de tous les verrous secondaires est vraiment utile et méritera d’être saluée (quand ce sera fait…) mais elle n’aura d’effet que quand le pont levis sera enfin abaissé !

Et que les seigneurs locaux, dans leur donjon, n’auront plus droit de vie et de mort sur leurs sujets… constructifs !

La volonté d’être réélu l’emportant souvent sur le droit républicain et l’intérêt général, le transfert de la signature des permis aux intercommunalités est de facto un minimum (sans doute largement insuffisant étant donné la propension humaine à se rendre service entre élus), l’instruction par des cellules spécialisées sous bannière neutre (état a priori) devant se révéler une bien meilleure garantie.

Que le PLU soit négocié entre les parties prenantes (dont collectivités et état) est une étape légitime, mais l’exécution du document approuvé ne doit ensuite pas souffrir d’exceptions.

Ce qui, quelque part, pourrait aussi soulager le Maire : « ce n’est pas moi, c’est l’état !  » .

Mais de tout cela, pour l’instant, rien.
On a gonflé le moteur de la voiture, vérifié la direction, mis de l’essence, mais on a juste oublié de desserrer le frein à main !

Volontairement ? 😉

Ballot, quand on veut tout remettre en marche, non ? 🙂

Beurk ?

Il y a toujours des petits cailloux dans les souliers.

Ce qui est embêtant pour marcher loin ou longtemps.

Prenez, par exemple, cette histoire d’APL plus que rabotée, mise à mal sur l’autel de son effet inflationniste supposé, sur lequel économistes comme média semblent spontanément d’accord.

Ben, pas moi. Désolé. 🙁

Et ceci recélant un danger, par effet collatéral, pour les ambitions de production de logement, tant social que privé. Redésolé 🙁

Remarquez bien, je ne suis pas économiste, juste praticien vaguement préhisto.

Je vous explique un bout de mon point de vue :

L’ APL serait inflationniste ?
Il y a longtemps que l’APL ne crée plus d’inflation sur le stock de logements puisque l’évolution des loyers est plafonnée.

Par ailleurs, le calcul de l’APL se fait sur la base du loyer, certes, mais dans la limite d’un loyer plafond le plus souvent largement inférieur au loyer réel.

Par exemple, un loyer de 500 € et une assiette du loyer plafond servant de base au calcul d’APL de 400 €.

Donc, dans cet exemple, que l’on monte ou que l’on descende le loyer ne change pas l’APL versée, vu que si le loyer monte on est déjà au-dessus du plafond (donc l’APL ne monte pas) et s’il descend, il faudrait qu’il baisse de plus de 100 euros pour que l’APL commence à baisser (à cause du plafond à 400 qui neutralise toute baisse entre 500 et 400).

Ceci n’est qu’un exemple simplificateur, mais je suis loin de penser que des simulations aussi fines ont été menées pour estimer l’économie réelle sur les versements d’APL.

En revanche, demander 50 € par mois de baisse de loyer sur chaque logement à un organisme HLM, c’est quand même violent (surtout si le montant de l’APL de ce logement ne bouge pas, car on aurait alors zéro gain pour le budget de l’état et la baisse de loyer profiterait intégralement au locataire au détriment de l’organisme HLM), quelle que soit l’opinion que l’on ait sur ce modèle économique.
50 x 12 = 600 € par an = 6 millions d’euros pour un organisme qui gère 10 000 logements.

On n’est plus là dans l’épaisseur du trait ou dans du rabot light.

Bien sûr, tout le monde sait que de nombreux organismes HLM (notamment ceux situés en zones tendues où la vacance est faible) font de très (trop ?) sympathiques résultats financiers (supérieurs à 10 voire 15 % et + du CA) et la publication de leurs comptes annuels devient en conséquence de plus en plus souvent une option….
Il faut savoir garder une certaine pudeur médiatique, hein ! 🙂
(difficile de pleurer trop fort si on affiche trop ostensiblement de rondouillards bénéfices exonérés d’impôt sur les sociétés en quasi totalité)

Pour autant, la méthode et les montants en jeu paraissent inappropriés et plus qu’osés.

Avec un double risque sur la production de logements que le gouvernement entend par ailleurs accélérer ?

1- quelle sera l’attitude d’organismes sur leurs programmes d’investissement (réhabilitation ou neuf) si l’autofinancement se raréfie ?
N’auront-ils pas tendance à réduire la voilure pour privilégier d’abord leur structure financière ?
Ou traîner volontairement les pieds pour ne pas aller dans la direction indiquée et montrer publiquement leur désapprobation, même partiellement simulée ?

2- dans un système de financement absurde du logement social comme celui que nous connaissons, quel impact sur la co-production public / privé ?
Quasiment tous les permis de construire en zone tendue sont frappés de servitudes de mixité sociale (article 55 de la loi SRU).
Donc, si les opérateurs HLM ralentissent leur rythme, ce sont tous les permis qui peuvent être touchés par ricochet, avec une baisse du nombre de logements sociaux, certes, mais privés aussi !

Le double effet kiss cool ?

Bien sûr, la tentation d’un jeu pervers (tordre le bras du politique en diminuant la production et en la recentrant sur la maîtrise d’ouvrage directe au détriment des VEFA entre privé et social) pourrait poindre dans certains esprits calculateurs ou machiavéliques, mais avec un risque considérable.

Celui que – loin de faire marche arrière – une autre logique soit mise en œuvre par le gouvernement : autoriser le secteur privé à avoir accès au financement du logement social afin de rendre autonome l’exécution des permis de construire… et libérer définitivement et puissamment la machine. 🙂

Hypothèse négligeable, ou pas, dans une logique de rénovation des pratiques et de plus grande efficacité économique ?

et Snif…

La plus grande déception est – une fois de plus – qu’aucune réforme de fond n’est entreprise ou annoncée.

Car ce qui est listé dans le dossier de presse ressemble très fort, à certains égards, à une liste à la Prévert.

Sans raton laveur.

(mais non, CRO, c’est une taupe, ça !) 🙂

Certains rétorqueront sans doute que cela peut venir, et que la Stratégie annoncée n’empêche nullement un deuxième étage de la fusée.
Plus tard.

Après avoir préparé les esprits de certains intervenants dans un premier temps.

Pour un projet plus ambitieux et enfin cohérent. Avec une Politique plutôt qu’une Stratégie…

Sans doute est-ce possible.

On ne peut pas tout faire en un seul jour, n’est-ce pas ?

Mais si, Jack, on peut ! 🙂 Puisqu’un jour, c’est 24 h !

Rappelle toi, la série de tes jeunes années ! Quand tu sautais partout !

Jack CROauer, en 24 h CROno ! 😉

Jack CROauer
Heu, non, hein, 24 heures c’est le temps qu’il me faut pour écrire un discours maintenant !…

Alors, vas y Jack, arrache toi, mon poulet, et fais nous encore rêver ! 🙂

Mais tu sais, franchement, si tu veux aller loin, alors, pourquoi ne pas avoir donné le cap dès le départ pour motiver l’équipage et lui expliquer le détail de ce voyage au long… cours. 😉

Sûrement qu’il y avait un intellectuel de trop dans la bande : « quand c’est long, c’est pas court, et quand c’est cours, c’est marcher trop vite ?  » .

Ben, suffit de changer de nom : « En sprint ! » 😉

 

Allez, hop, on se bouge encore plus !
A petites foulées ! 😉

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4 réflexions au sujet de « Une stratégie logement sans politique ? »

  1. Cher CROMagnon,
    Pour la pause des normes, il ne faut pas se leurrer. Même si nos gouvernants devaient respecter leurs engagements, c’est sans compter sur la capacité de production de Bruxelles. A tout le moins, faut-il espérer – une fois de plus – que l’engagement de nos gouvernants de ne pas sur-transposer soit tenu cette fois-ci !
    Et si sous l’apparence d’une tactique, il n’y avait pas une stratégie : je prépare psychologiquement un secteur à revenir à son métier d’origine : faire du logement privé sans aide d’Etat. Si on part du postulat de place que c’est le Pinel qui finance les VEFA sociales, finalement en baissant la capacité d’investissement des HLM par des contraintes financières, j’impose au secteur privé à réfléchir à se passer de ces « clients » pour raboter la péréquation et mettre sur le marché des logements à des prix plus abordables, qui pourraient aboutir à la suppression des mesures de compensation fiscales que constituent tous les dispositifs d’investissement locatifs de ces 40 dernières années …
    Cela doit aboutir également à ce que les élus se questionnent sur les moyens de produire ces logements sociaux auxquels prétendent leurs électeurs (heu non leurs administrés!) et sur la pertinence de ces quotas dans certains territoires et, partant, sur les servitudes de mixité sociale, qui sont légion depuis une période euphorique lointaine maintenant … Et oui le temps passe et la Loi SRU est presque majeure !
    C’est sûr qu’il y aura de la casse mais n’est-ce pas inhérent à toute « transformation » ?!

  2. @ Audrey : merci pour le commentaire… Que la recherche d’économies budgétaires soit le fil conducteur est une certitude. Qu’elle passe à terme par la diminution ou la disparition de tout système d’aide directe ou indirecte est certainement un vœu ardent de Bercy et consorts.
    Mais c’est la question du comment qui est la plus intéressante, et sans réponse pour l’instant. Quand les ventes en accession ne représentent que 10 à 20 % des ventes de promoteurs, de combien faut-il baisser les prix pour que les acquéreurs privés soient enfin en capacité de faire face financièrement (à la fois au prix et au coût du financement si les taux devaient remonter).
    Ce ne sont pas les mesurettes (vertueuses certes) de pause normative (peu crédibles qui plus est au regard du passé et de la dysenterie législative et normative chronique de notre administration) qui feront franchir un cap réel en ce sens. Surtout si la péréquation est toujours présente avec ces ventes à perte au profit des opérateurs de logement social qui pousse par compensation le prix des ventes « libres » à la hausse. Il faudrait donc dans cette hypothèse une révolution de la politique du logement et l’arrêt des VEFA HLM. Ce que la loi SRU ne prévoit pas vraiment. Or, et même si quelques escarmouches (APL…) ont lieu actuellement, quelle remise en cause du schéma du logement social est annoncé ? Aucune. Sauf à supposer un grand soir de la politique du logement où l’état dirait aux opérateurs sociaux de vendre une partie de leur parc ancien et de construire avec ces fonds propres 3 fois plus de logements, sans aide étatique. Le tout en faisant sauter la plupart des contraintes de type SRU sur les projets initiés par le privé (ou en leur donnant les capacités de faire eux-mêmes et en direct), sinon comment faire baisser les prix du libre ? On en est encore très loin, sauf à extrapoler certains embryons de comportements ou déclarations comme autant de signes précurseurs d’un tout vraiment cohérent. Mais non abouti, non assumé et non encore mis sur la table… A suivre ! 😉

  3. Cher Cro-Magnon
    Puisqu’il n’est plus question de « réforme » mais de « transformation » de ce pays, ne faut-il pas voir dans différents signaux les bases d’une réforme discrète ?
    La Cour des Comptes est revenue récemment sur les trop nombreux avantages des HLM, dont le champ d’intervention a été largement étendu ces dernières années à des secteurs concurrentiels (VEFA inversée, Pinel, etc.).
    J’ai entendu récemment que les meilleures réformes sont celles qui se font sans se dire …
    A part ça, pour le choc de l’offre, il faudra encore attendre … encore … Aucune des annonces de la semaine dernière sur les mesures visant à libérer les terrains ne sont inscrites dans le PLF2018 déposé devant les députés ce jour. En revanche, l’IFI et la hausse de la CSG qui vont peser sur les propriétaires sont bien inscrites dans le projet de texte. C’est peut être la réforme discrète de la fiscalité foncière : alourdissement des charges sans les avantages attendus … La seule réforme assumée c’est celle de la rigueur budgétaire pour le secteur du logement au cas où on ne l’aurait pas compris !
    A suivre …

  4. @ Audrey : CRO de réformes tue la réforme ? 😉
    La question devient donc : la réforme avance-t-elle masquée, ou bien ne s’agit-il que de mesures dispersées ayant quasi exclusivement des visées d’économies court termistes ?
    Pour l’heure, on a plutôt l’impression de l’hypothèse n°2, mais si jamais c’était une réforme super masquée avec de super pouvoirs, on ne la verrait point arriver…
    En CRO comme en détail… 🙂

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