Programmation du logement social : un mal nécessaire ?

Financement immobilier 4 commentaires

C’est si beau de tout vouloir prévoir, programmer, répartir, organiser.

Une sorte de rite initiatique du logement social.

Une pureté qui se mérite. Par la difficulté.

Un accouchement par césarienne. Chaque année.

Une machinerie lourde, sophistiquée, inébranlable.

Et efficace ??? 😉

 

Ca y est, la question qui fâche. Tout de suite les grands mots….

Mais est-ce que l’efficacité fait partie de la grandeur administrative de la France ?

Bien sûr ! Un peu comme une armée de tankistes à l’ère des drones ! 🙂

La fameuse programmation annuelle

On n’a rien trouvé de mieux depuis la grande muraille de Chine.

Ca vous ceinture la politique du logement social et ça évite tout dérapage ou toute velléité d’improvisation. Ca suit la ligne tracée par le budget et la circulaire. Tout droit.

Cette chose dont je vous parle, c’est la programmation annuelle du logement social.

Un exercice épouvantablement daté mais dont l’objectif théorique est louable : utiliser au mieux les deniers publics pour mettre en oeuvre la politique de production de logement social définie chaque année et dont la substantifique moelle est communiquée aux préfets par circulaire.

En clair : la colonne vertébrale de la production de logement locatif social.

Pourquoi une programmation des logements locatifs sociaux ?

Admettons que l’état ait vocation à définir la politique du logement et la part du logement social.

Admettons aussi que la quantification des besoins et la répartition géographique des logements sociaux doive être réfléchie au niveau national pour éviter toute incohérence dans sa mise en oeuvre par les acteurs locaux.

Admettons enfin que tout le processus de distribution d’agréments ou de crédits doive faire l’objet d’un suivi rigoureux par des fonctionnaires spécialisés pour s’assurer de la bonne fin de l’opération.

Là, vous commencez à comprendre l’esprit de la programmation du logement social à la française.
Pas de hasard (des fois qu’il ferait bien les choses ? 🙂 ) ni d’improvisation.

Le chemin de croix de la production du logement aidé

L’escargot serait la représentation animalière idéale de la programmation annuelle.

Il en bave le pauvre, avec sa maison sur le dos, et on le suit à la trace. Mais tout doucement et en zigs zags.

C’est pareil en vrai ! Je vous explique.

La programmation ne naît pas dans les choux (mais elle y finit parfois !), elle naît au ministère du logement.
Elle grandit ensuite dans une circulaire (annuelle, évidemment) qui fixe les objectifs et les moyens.
Cette circulaire est destinée aux préfets et (indirectement) à tous les acteurs de la filière.

En parallèle, l’état définit des enveloppes qui sont réparties par régions (je simplifie peut-être un peu), puis ventilées par chaque préfet de région sur son aire géographique entre les différents départements et délégataires des aides à la pierre.

A l’issue de cet exercice ô combien gratifiant, chaque collectivité en charge du logement sait combien de logements sociaux (PLUS, PLAI, PLS….) elle va devoir et pouvoir attribuer.

Reste à savoir à qui ?

Il est alors demandé aux opérateurs sociaux (principalement les organismes HLM, même si le PLS est aussi accessible au privé) de tendre la sébile proposer la liste des opérations pour lesquelles ils veulent obtenir une décision favorable de financement et de fournir leurs dossiers.

Commence alors l’instruction par le préfet (la DREAL) ou par le délégataire (les métropoles par exemple) des demandes reçues et leur classement pour savoir qui sera financé ou pas, en fonction des critères annoncés et des volumes de logements affectés.

Tout ceci prend des mois… à telle enseigne que la programmation annuelle est parfois rendue publique en Septembre dans certaines métropoles là où (il y a une quinzaine d’années et avant l’invention des délégataires) elle aurait été disponible en Mars.

Moi, je dis qu’il faut dégraisser le mammouth qui rend CRO fou ! 😉

crostrophobe
CROstrophobe ? Non, enfermé dans la programmation annuelle de logements locatifs sociaux !

Bref, le mélange de la centralisation et de la déconcentration est un modèle d’efficacité précolombienne…. 🙂

Le moyen de faire mieux : une programmation light ?

Le premier couillon venu (ben zut, moi en l’occurrence  😉 ) est capable de comprendre que tout ceci manque cruellement d’intelligence collective et de fluidité.

Comment accepter une telle monstruosité administrative qui conduit à stériliser les lancements d’opérations pendant plus de la moitié de l’année ?

Ineptie d’autant plus grande qu’avec les servitudes de mixité sociale à l’intérieur d’un même projet (la loi SRU et son application dans les plans locaux d’urbanisme qui oblige souvent à la réalisation de logements locatifs sociaux dans tout permis de construire significatif), on arrive à bloquer à la fois les logements sociaux et la part de logements privés qui doit être réalisée en même temps…

Il n’y a donc qu’une seule solution logique ; renoncer à la programmation annuelle (ou à la programmation dans sa forme actuelle tout court d’ailleurs).

Pour rester modeste, on pourrait au moins imaginer un système de guichet de financement ouvert en permanence, 12 mois sur 12.

Ce qui permettrait à chaque projet après un délai d’instruction raisonnable d’avoir sa réponse et son financement sous 4 semaines par exemple.

Voire même (soyons fous ! ) un système déclaratif où l’opérateur social lancerait de manière autonome  ses opérations en étant contrôlé a posteriori, à fréquence régulière.

On virerait ainsi la programmation pyramidale hyper centralisée et…
On passerait à la zapette du logement social !

La place de l’état dans un autre système ?

La définition des objectifs et des volumes, voire leur répartition, peut rester l’apanage de l’état.
De même que les règles du jeu à respecter par les opérateurs pour le financement de leurs projets.

Mais c’est la logique d’animation qui doit changer. Passer des à coups et du flicage à la fluidité et à une confiance de principe (contrôlée ensuite, bien sûr 🙂 ).

Imaginez qu’à l’heure actuelle, les permis de construire délivrés dans pratiquement toutes les grandes villes regorgent d’obligations de réaliser du logement social, mais sans garantir les agréments ou financements qui vont avec.

L’obligation sans les moyens.
L’autorisation de construire sans la garantie de pouvoir respecter la contrainte.
Et des délais…..

On marche sur la tête et on ralentit, ou on bloque parfois dans les cas extrêmes, la quasi totalité de la production immobilière en zone tendue….

Conclusion : les promoteurs et les organismes sociaux sont les nouveaux mendiants du logement locatif social.

« S’il vous plaît, s’il vous plaît, donnez moi un agrément. Un financement pour mes candidats locataires. S’il vous plaît… »

Si vous en rencontrez à un feu rouge, maintenant vous saurez pourquoi ! 🙂

 

 

Bon, allez Mr l’Etat, tu veux bien faire un effort et changer de braquet et de logique ?

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4 réflexions au sujet de « Programmation du logement social : un mal nécessaire ? »

  1. Bonjour,
    le sujet m’intéresse particulièrement étant un fonctionnaire zélé gardien de la programmation…. Le système est effectivement particulièrement complexe avec de nombreuses injonctions contradictoires entre les SCOT, les PLH, les PLU et… la réalité.
    Nous sommes un département délégataire mais on essaye de travailler en bonne intelligence avec les intercommunalités qui ont défini une politique logement (PLH) et les bailleurs sociaux. De ce fait on annonce la programmation retenue en fin d’année N-1, avant même que les (premières) enveloppes de crédits nous soient déléguées en février/mars (les dernières arrivant en décembre en fonction des consommations régionales). On fait le pari d’une certaine somme qui nous sera déléguée par l’Etat (de + en + réduite chaque année) et on se débrouille surtout pour rester dans la limite de notre propre enveloppe.

    La grosse difficulté vient des décalages importants entre les PLU parfois très prescriptifs (servitudes de mixité, taux et typologie de LLS) et les documents supérieurs (délai de mise en conformité…). Par exemple nous avons une intercommunalité en zone tendue qui prévoit 115 logements sociaux par an dans son PLH, au bout de deux ans l’objectif global des 6 ans est déjà dépassé… Chaque année près de 1000 logements sociaux nous sont proposés sur le territoire, alors on fait quoi? on respecte les orientations politiques (sur lesquelles les mêmes politiques s’assoient allègrement dessus alors qu’ils les ont définies)? on diminue les subventions par logements pour passer plus d’agréments? Effectivement en bloquant les agréments on retarde ou on plante des opérations privées et c’est presque un moyen de calmer la frénésie sur certains secteurs. Certaines communes ne font que courir après leur objectif de 25% de LLS car de l’autre côté elle permettent de construire à tout va… bref pas de solutions simples

    Il ne me semble pas qu’on soit dans du flicage mais il faut bien essayer de cadrer l’ensemble car l’exercice de programmation est loin d’être figé et la moitié de ce qui nous est annoncé en début d’année est modifié ou annulé…

  2. @ Pierre : je pensais bien vous taquiner avec ce sujet 🙂
    Le problème n’est pas la manière dont les gens qui sont dans le système essaient de faire au mieux avec l’ensemble des contraintes et turpitudes techniques, financières, politiques ou tout simplement humaines. Je vous crois sincère et consciencieux. Le problème, c’est le système qui est fou et totalement à bout de souffle.
    Si vous vous mettez à la place d’un acteur privé, qui obtient loyalement un permis de construire et veut exécuter la servitude de mixité sociale en toute bonne foi, le pauvre n’est pas au bout de ses peines. Il est plus que probable que son projet prenne plusieurs mois de retard, voire même n’obtienne pas le financement escompté pour la part de logement social. Ce qui l’empêche de faire son métier.
    C’est là que plus rien ne va : d’un côté l’état vous dit « Article 55 loi SRU, renforcé par la loi ALUR » et rend obligatoire la réalisation de ces logements via les PLU. Et de l’autre, ce même état, via la programmation, ne vous donne pas les moyens de l’exécuter.
    Il faut toujours être cohérent. Si l’état veut, il doit. Et s’il ne s’en donne pas les moyens, il doit exonérer les porteurs de projet de la contrainte (en faisant sauter la contrainte sociale contenue dans son permis de construire par exemple ; ce qui supposerait de modifier un peu la réglementation des PC pour que soit possible l’annulation d’une des règles sans rendre le PC illégal, mais ceci est une autre histoire…).
    En démocratie, on ne peut pas opposer aux autres ses propres insuffisances. C’est trop facile. Et je pense même que si des fédérations professionnelles voulaient pousser le bouchon un peu plus loin, il y aurait certainement des motifs de modification ou d’annulation de la loi.
    En résumé, je pense qu’il faut totalement réformer ce système comme je l’explique dans l’article ; ce qui suppose que tout le cadrage doit être effectué en amont (avec de la place pour des personnels compétents pour organiser la fluidité) pour que les acteurs de terrain puissent travailler en temps réel et en continu sans avoir à souffrir de l’état pitoyable de cet alambic qu’est devenue au fil du temps la programmation.
    Sur le fond, je pense que nous sommes d’accord, Pierre, non ?

  3. Difficile d’être clair sur le sujet, mais on est bien d’accord sur le fond et je comprend très bien l’incompréhension des promoteurs face à ce système plus qu’un brin kafkaien, et c’est encore plus vrai quand ce sont des particuliers qui se retrouvent à devoir faire du PLS…
    Effectivement l’incohérence de l’Etat sur le sujet est criante, d’autant plus que la relance de la construction est le mantra du gouvernement, voir le japa http://fr.wikipedia.org/wiki/Japa 🙂

    La solution serait peut être que l’Etat abandonne ses subventions, qui sont de toute façon de plus en plus dérisoires, car ce qui détermine l’enveloppe d’agréments c’est bien cette enveloppe financière. Ainsi, le nombre d’agréments ne serait pas limité et ne bloquerait pas la construction.

    A mon sens le besoin de cadrage reste cependant entier pour éviter de se retrouver avec des programmes de 500-600 logements qui sortent de terre sans que l’ensemble des infrastructures nécessaires aient été prévues (écoles, routes,…).

    Il me semble d’ailleurs étonnant qu’il n’y ait pas eu plus de contentieux sur la question, mais si l’on reste sur ce système cela va forcément arriver.

  4. @ Pierre : le cadrage est nécessaire, mais le plus en amont possible et en coordonnant les servitudes de mixité sociale des PLU avec les enveloppes mises à disposition.
    Pas de bras pas de chocolat ? Pas d’agréments pas de SMS ! 😉
    Il faut que les acteurs du secteur productif aient des règles simples à comprendre et applicables instantanément. Se tirer des balles dans le pied ne fait pas avancer plus vite… (et ça fait mal aux orteils ! 🙂 )

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