Le permis de construire sous conditions suspensives…

Conseils immobiliers, Promoteurs et programmes 6 commentaires

Lara CroftJ’aime bien le permis de construire.

Comme le permis de conduire, remarquez.

Piloter une voiture ou un projet immobilier, il y a quelques analogies.

Mais supposez qu’on vous enlève la pédale d’embrayage et l’accélérateur.

Et que le volant soit grippé, ou la direction assistée en panne ?

Ca y est, vous avez compris, c’est ça le permis de construire en version 2014 !

Une sacrée aventure…. J’espère que vous êtes à la hauteur ! 😉

 

Bon, faut pas exagérer, on va quand même vous laisser le choix de la roue de secours ou du kit de gonflage.
(d’ailleurs, on nous gonfle assez souvent… oh, c’est pas beau de dire ça. Non, c’est vrai, mais ça soulage !)

Et si vous êtes gentils, vous pourrez peut-être faire mumuse avec le GPS.

Mais ce n’est pas avec ce genre d’orientation qu’on va faire progresser la construction dans notre beau pays !

Le permis de construire : droit réel ou faveur du prince ?

Je vous avais déjà fait part de mon opinion à cette époque là.

Inutile de vous dire qu’elle n’a pas changé, avec la frilosité accrue des nouvelles équipes municipales un peu partout en France sur le thème de la construction, bouc émissaire des perdants (citons a contrario la réussite de maires bâtisseurs de camps opposés à Lyon ou Bordeaux, pour nier le principe de fatalité).

Il faut dire qu’il est beaucoup plus facile de ralentir que d’accélérer, d’être prudent plutôt qu’audacieux ou de bâcler plutôt que de bien faire les choses. L’homme politique moderne préfère hélas une vison étroite qui permet d’ancrer une certitude (même fausse) à un horizon élargi et plus complexe qui ne demande qu’à être exploré et valorisé.

Ce qui demande certes plus de temps, de compétence et de courage.
Et moins de facilité médiatique à court terme.

Difficile de tenter l’aventure, en quelque sorte ? 🙁

La glorieuse incertitude du sort (des permis de construire)

Vous connaissez certainement cette phrase : « Le doute est toujours permis ».

A mon petit niveau de praticien de terrain, je dirais plutôt :  » Le permis est toujours un doute« .

Car même un permis de construire régulièrement obtenu par le promoteur, affiché sur site, purgé du délai (et du risque) de recours des tiers n’est en aucun cas une garantie absolue.

Il faudra d’abord passer l’étape de la pré-commercialisation, c’est à dire vendre sur plans l’équivalent de 40 à 50 % du chiffre d’affaires du programme pour que la banque vous accorde le crédit d’accompagnement et – surtout – la fameuse GFA (garantie financière d’achèvement).

Mais le plus croustillant n’est pas là. Il faut savoir utiliser les SMS !!!

Mais non, bande de niais  😉 , je ne vous parle pas des textos !
Même un promoteur bas de plafond a entendu parler de ça et sait s’en servir…

Non, les SMS ce sont les Servitudes de Mixité Sociale, ces beautés réglementaires qui donnent tant d’attrait à notre droit de l’urbanisme et ouvrent des gouffres béants d’incompréhension et d’incertitude.

SMS, PLH, PLU, péréquation et permis sont dans un bateau

Et le bateau cool ?
Ben non, ce serait trop beau. Mais il est tellement chargé qu’il tangue. 😉

Pourquoi ? A cause du paysage.
Pas les trains que les vaches regardent passer, ni les vaches que regardent les passagers du train, mais le paysage réglementaire.

Pour les novices, il faut savoir qu’un permis est le dernier maillon de la chaîne.

Il doit respecter en tous points les préconisations du PLU (plan local d’urbanisme) lui-même devant respecter les consignes plus générales du PLH (Programme local de l’habitat). Or le PLH va indiquer des données comme les typologies de logements souhaitables, le volume de logements sociaux à prévoir etc… ce que le PLU décline ensuite sur son territoire zone par zone (il y a un zonage parfois complexe pour couvrir le territoire d’une ville ou d’une agglo).

C’est là que les SMS interviennent. Nées de la loi SRU (Solidarité et Renouvellement Urbains) et récemment renforcées par l’ex Sinistre du Logement C. Duflot, ces servitudes de création de logements sociaux (initialement 20 % et maintenant 25 %) sont mises en pratique par le PLU qui va par exemple vous dire que pour toute opération de plus de 1 000 m² de surface de plancher située dans cette partie de la ville il vous faudra faire 25 % de logements sociaux.

Ah…. Et la péréquation là-dedans ?

On en parlera une autre fois (bientôt).
Le truc sympathique, c’est que ces SMS ne peuvent pas directement être réalisées par le demandeur du permis, ou rarement.

Car les formes de logement social le plus souvent exigées sont les plus sociales, celles dont le financement est exclusivement réservé aux organismes de logement social (les fameux PLUS et PLAI réservés aux organismes HLM).

L’aventure continue…

Lara Croft et les SMS
CRO, c’est CRO ! Vous allez voir ce que j’en fais, moi, des SMS !!!

Heureusement, nous avons Lara CROft – digne représentante de la lignée des CROs à la féminité exacerbée – pour nous aider à réduire les problèmes depuis  plusieurs dizaines de milliers d’années…

Donc, si on veut et qu’on peut pas, on peut pas ?

C’est ça, vous avez tout compris ! 🙂

Vous obtenez un permis prévoyant une servitude de mixité sociale. Vous êtes d’accord pour la respecter. Vous n’y arrivez pas malgré la meilleure volonté du monde. Votre permis est mort. Condition suspensive non remplie…
Amen, De Profundis. Suivant !
(et ne vous amusez pas à vouloir passer outre, la sanction relève du pénal)

C’est là qu’en principe vous me dites : « mais comment est-il seulement possible que ce soit impossible ? 🙂 Un permis, c’est un droit absolu, non, et il n’y a pas de condition suspensive en principe ? »

Ben, vous avez raison, mais en pratique on est en France, non ? 😉

Explication :

N’ayant pas accès à ces financements, le promoteur doit donc obligatoirement passer par un opérateur spécialisé HLM (souvent par une vente en bloc à prix rikiki).
Ce seul motif devrait être suffisant pour faire déclarer cette obligation illégale : aucune autonomie pour exécuter son PC alors même qu’on est d’accord pour le faire de bonne foi.

D’autant que même les organismes de logement social ne sont pas certains de pouvoir le faire à coup sûr.

  • sinon, pourquoi existerait-il une programmation annuelle du logement social ?
    (on n’est pas du tout dans un financement à guichet ouvert)
  • sinon, pourquoi dans les contrats de réservation figure systématiquement une clause suspensive liée à l’agrément ou au financement du programme par l’autorité délégataire des aides à la pierre (Préfets, Agglos, Communautés urbaines…) ?

Ce qui veut dire que le risque de retard d’exécution ou de non exécution d’un permis de construire – dont la durée de vie n’est que de 2 ans – est réel.

Questions subsidiaires :

– en cas de désaccord sur le choix de l’opérateur – que le pouvoir politique local tente parfois d’imposer – on fait quoi ?
– en cas de désaccord sur le prix, on fait quoi ? Que deviennent – accessoirement – l’accord sur la chose et le prix ou la vente à perte exigée par l’acheteur incontournable ?

Bref : il y a manifestement disproportion entre le droit théorique « réel » découlant du PC et les moyens mis à disposition du pétitionnaire pour l’exécuter loyalement en bon père de famille.

J’en conclus avec gravité une chose évidente : les pères de famille ne sont plus tendance ! 😉

 

Est-ce que vous saviez tout ça ? Et encore, je vous assure que j’ai simplifié pour vous éviter la migraine…
Des questions ? (j’ai plein de réponses 🙂 )

 

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6 réflexions au sujet de « Le permis de construire sous conditions suspensives… »

  1. Bonjour,

    Un notaire m’a expliqué qu’il existait une procédure pour le promoteur qui lui permettait de ne plus être obligé de réaliser les logements sociaux si, au bout d’un certain temps, il n’avait pas trouvé d’opérateur HLM pour acheter ces logements sociaux.

    Ce notaire, fort sympathique, n’a jamais pu me donner un fondement juridique, ni un semblant de délai pour obtenir le droit de passer les logements en libre.

    Je doute donc fortement de ses propos, toutefois, auriez-vous déjà entendu parler de cette histoire ?

  2. @ Bernard : ce serait si beau si ça existait…
    1- tout le monde le saurait vu les problèmes que ces dispositions causent un peu partout en France
    2- la non exécution d’une des conditions relatives au Permis de construire fait tomber tout le permis de construire (pas de possibilité de renoncer à l’exécution de l’obligation de réalisation de logements sociaux quand elle existe)
    3- un ensemble immobilier réalisé sans respecter ce type d’obligations expose le pétitionnaire à des sanctions d’ordre pénal

    La seule solution serait en fait d’obtenir une nouvelle autorisation de construire (PC modificatif ou nouveau PC) mais là il faut l’accord de l’autorité qui délivre le PC (alors qu’en principe elle ne veut pas renoncer à la réalisation des logements sociaux). Ce qui ne résout d’ailleurs rien de manière certaine, car que vaut un PC qui ignore une des conditions posées par le PLU ? A mon avis, il est illégal et très facilement attaquable par des tiers qui plus est…
    Non, la vraie solution est une avancée d’ordre réglementaire ou législatif qui prévoirait expressément que le non respect de la clause de SMS n’annule pas le permis dans son entier dans des conditions à déterminer.
    Cela étant, si vous avez des pistes plus efficaces, je pense que nous sommes nombreux à être preneurs ! 🙂

  3. Très intéressant témoignage qui corrobore ce qu’ont pu me dire des professionnels de par chez moi.

    Là ou ça devient encore plus « rigolo »:

    1- Souvent, certaines mairies font du « zèle » sur les SMS. là ou la loi Duflot dit « 25% », certaines mairies veulent imposer 30 ou 40.

    2- Les logements sociaux étant revendus à Perte, ce sont les acheteurs de la partie privée (et non pas « libre », comme je l’entends souvent, parce que faut pas déconner) du programme (à qui on ne le dit surtout pas !) qui paient la facture. A Nantes centre, exemple que je connais, cela représente environ 500€/m2. Il ne s’agit ni plus ni moins que de l’impôt déguisé, qui n’entre pas dans les statistiques de la pression fiscale.

    Le résultat est que dans de nombreuses villes de province, les constructeurs deviennent frileux, la construction totale ralentit: comment être sûr de vendre dans deux ans un programme avec de tels surcoûts « inavoués » à l’acheteur si la conjoncture reste pessimiste ?

  4. @ Vincent : hé oui, la vie est dure ! 🙂
    Pour le 2- de votre commentaire, les pros appellent pudiquement ça « la péréquation » et je vais en parler très bientôt dans un article.
    A suivre….

  5. @ Bernard : à ma connaissance la vente à perte est interdite. Mais ce qui est difficile, c’est de définir la vente à perte : quel périmètre, l’opération dans son ensemble ou la vente d’un lot ou plusieurs à un acquéreur ? Quelle définition du prix de revient sur un bout d’opération, etc…

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