Droit de préemption : tirer à hue ou à D.I.A. ?

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cronageurD.I.A. : 3 petites lettres qui peuvent rendre fou.

Il faut dire qu’une déclaration d’intention d’aliéner, en termes de sémantique, ça annonce carrément la couleur.

France terre d’asile : c’est vrai pour le foncier aussi !

Enfin…. le droit de préemption n’est heureusement pas l’obligation de le faire.

Sinon l’initiative privée serait privée d’initiatives, obligée de passer en mode survie.

Ladite question de la survie pouvant parfois s’apparenter à une bouée lancée à l’amer…

Normal que la note puisse être salée ! 😉

 

Quand j’étais petit garçon, euh, non, quand j’ai débuté dans l’immobilier, c’était dans le logement social.

Et je me souviens avoir participé à des réunions informelles, aux côtés d’une grosse collectivité, pour l’aider à identifier quelles DIA pouvaient être potentiellement opportunes pour favoriser la réalisation de programmes de logements sociaux.

Le présent éclaire le passé, à condition de se servir de ses rétroviseurs ! 🙂

Le contexte contemporain de la préemption

C’est l’actualité qui m’a fait penser à ce sujet.
Un décret du 30 Mars permet de déléguer aux dirigeants d’organismes sociaux l’exercice du droit de préemption urbain (alias D.P.U.).

J’avoue humblement n’avoir pas creusé le sujet, mais ceci est un pas de plus dans une direction où une catégorie d’acteurs – supposés vertueux – pourrait choisir de préempter des fonciers en défaveur d’autres acteurs locaux avec lesquels ils sont certes en relation pour la production de logements sociaux, mais aussi et de plus en plus souvent en concurrence pour les activités d’accession sociale ou abordable….

Le principe est malsain.

Bref, revenons au droit de préemption !
Contrairement à l’expropriation, le droit de préemption ne s’exerce qu’à l’occasion de la vente d’un bien immobilier.
Le notaire a l’obligation – avant de pouvoir signer l’acte – d’informer la collectivité à travers ce qu’on appelle une D.I.A., pour obtenir le renoncement de celle-ci à l’exercice du droit de préemption.
Si la collectivité souhaite préempter, elle doit acheter au prix annoncé.
Elle ne peut pas contraindre le vendeur à vendre à un prix plus bas que celui de la déclaration.
Bien sûr, elle peut aussi lui demander de baisser son prix mais celui-ci n’y est pas obligé.

On arrive alors à une situation de blocage dans laquelle la collectivité n’achètera pas (si elle trouve que c’est trop cher) avec un vendeur qui ne pourra plus vendre (de par la loi) pendant une certaine période.

Au final, il ne se passe rien, que ce soit en termes d’urbanisme, de mutation, ou d’économie locale (aucun projet, aucun emploi, aucun logement).

Ce qui n’est pas forcément perdu pour tout le monde, car ne rien faire est parfois un objectif inavoué pour certains…. 🙁

Quand la préemption hésite entre vertu et facilité

Pour les communes qui décident d’être actives en matière de préemption, il y a au moins deux manières d’en appréhender l’usage : l’appel du court terme et du bénéfice apparent (la facilité) ou celui d’une régulation du marché foncier à plus long terme (la vertu).

Si une collectivité décide d’utiliser son droit de préemption dans le domaine de la politique du logement, elle va sans doute (espérons pour elle) définir une stratégie et des objectifs.

La pression des lois successives révisant à la hausse les objectifs de mixité sociale pousse à aider à la réalisation de logements dits sociaux.
Ceux-ci ne pouvant pas payer de charges foncières élevées (en principe…) et les collectivités ne voulant pas mettre la main à la poche (ou le moins possible), il s’ensuit une grande tentation.

Celle de préempter les bâtis ou fonciers les moins chers (au regard de leurs capacités quantitatives de construction) pour les acheter au prix annoncé et donner à peu de frais et avec un bel effet d’annonce du grain à moudre au secteur du logement social.

Raisonnement digne d’un enfant de 3 ans et à peu près aussi efficace sur la durée dans son mécanisme de fonctionnement que le blocage ou l’encadrement des loyers, ou que de vouloir lutter contre la marée…. 😉

Et en plus, à 3 ans, on a du mal à affronter les vagues si on n’est pas bien encadré, par des professionnels confirmés, comme des Maîtres Nageurs Sauveteurs.

Ou Croveteurs ? 😉

CRO au secours des DIA
CRO au secours du foncier : « Et une bouée pour alléger les charges foncières, ça marcherait ? »

Car que se passe-t-il de l’autre côté du miroir et par la suite ?

Quand un opérateur privé (promoteur immobilier le plus souvent) était porteur de ce projet et qu’il avait fait l’effort de négocier le foncier à un prix raisonnable (et donc vertueux), la privation de ce foncier va d’une part lui faire perdre les frais d’étude engagés et d’autre part annuler la perspective d’une activité future.
Psychologiquement, il va également se traiter mezzo voce de « grosse truffe »  et se dire « plus jamais ça » .

En clair, si une collectivité préempte régulièrement les fonciers bon marché, les professionnels seront contraints de réagir en faisant grimper les prix (pour ne plus se faire éjecter) et la collectivité n’aura d’autre choix que de bloquer le marché ou renoncer à la préemption (puisqu’il n’y aura plus de foncier bon marché en transaction) favorisant ainsi l’émergence d’une rente foncière et d’un marché foncier cher (hausse du prix des logements à la clé).
Ce qui nuira aussi au logement social et à l’accession abordable…

Incidemment, une telle politique fait également grimper mécaniquement les estimations du service des Domaines, et donc les bases des expropriations auxquelles les collectivités recourent fréquemment.

A contrario, une politique intelligente sur le moyen et long terme serait de ne préempter que des fonciers d’un prix déraisonnable afin de faire passer un message clair et de produire du foncier et des logements à un prix plus abordable.

Mais investir sur l’intelligence et la durée est un pari souvent trop audacieux… 🙂

Quand déposer sa DIA pour un promoteur ?

Là, on est plus dans la tactique que dans la stratégie…

Sachant que l’acte authentique doit être signé dans les 12 mois de la renonciation de la collectivité à l’exercice du droit de préemption sur un bien donné… et que le robinet verse 10 litres en 30 secondes alors que la baignoire fuit à hauteur de 25 cl toutes les minutes, quel est l’âge du capitaine ? 😉

Ben… l’âge de ses artères ?
Parce que pour éviter le coup de sang inutile il vaut mieux éviter de se baser sur la veine… ou la chance.

En clair, si un foncier doit être préempté autant le savoir assez tôt plutôt qu’en fin de parcours au moment de l’acheter et de lancer le programme.
On dépense moins de temps, d’énergie et d’argent.
Et cela laisse plus de latitude de planning pour essayer de le remplacer par un autre.

Problème : quand un programme nécessite 18 mois de temps de montage et que la décision de ne pas préempter n’est valable que 12 mois, on fait quoi ?

De mon côté, je préfère demander au notaire de déposer la DIA au bout de 6 ou 7 mois, ce qui permet d’aller ensuite jusqu’à l’acte sans en redéposer et qui est en général compatible avec l’instruction (ou la pré instruction….) du permis de construire et avec le premier retour d’info officieux quant à ses chances de succès.

D’autres préfèrent s’acquitter de cette « formalité » dans les 3 derniers mois qui précèdent l’acte, pensant souvent être protégés par un permis de construire obtenu entretemps.
Permis interprété à tort comme le signe de l’accord de la collectivité.

Ce qui est une erreur colossale sur la forme et sur le fond.
Car le droit de l’urbanisme et celui des règles de préemption n’ont aucun lien.
Et parce qu’une collectivité peut toujours changer d’avis en cours de route, voire même pratiquer le double jeu.

On peut donc parfaitement obtenir un permis et se faire préempter.
Ce qui, en général, accroît le sentiment de douleur…. et reste dans les annales.
La mémoire, il n’y a que ça de vrai pour nourrir l’expérience ! 😉

Donc autant éviter la douleur, vu qu’ici on n’aime que le bonheur !

Vous aussi, non ? Alors, bonne semaine ! 🙂

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